Page:Renee Dunan Une môme dessalée 1927.djvu/18

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— Déshabille-toi, petite, dit-il en se calant sur un fauteuil.

Elle obéit, devenue craintive et étrangement intimidée.

Il regardait, en fumant une cigarette à saveur opiacée.

Elle vint s’asseoir sur ses genoux.

— Vous allez m’aimer, dites ?

Il rit.

— Je t’aime, Zine, mais tu sortiras d’ici vierge, comme tu es.

— Pourquoi ? dit-elle avec désespoir. Moi je voudrais.

Il haussa les épaules sans perdre son sourire sarcastique :

— Je n’aime, Zine, mettre consciemment un grain de sable dans aucun engrenage. Et puis, je te ferais souffrir sans être certain de te donner aucune joie, ni morale ni autre. Enfin, seules m’agréent les femmes trop habiles en amour. Les naïves, je les aime aussi, mais sans les toucher, pour le spectacle de leur impudeur naïve et, en plus, pour des contacts sans passion.

Zine, nue et tendre, se mit à pleurer. Il reprit :

— Ah ! Zine, tu ne sais pas le bonheur qu’il y a à pouvoir pleurer pour un espoir déçu.

Et il l’embrassa savamment sur la bouche, puis ils se couchèrent…


V

Le bon vieux

Vingt-quatre heures après avoir décidé de « vivre sa vie », la jeune Zine avait déjà réalisé la plus délicate et la plus scabreuse des opérations indispensables. Je veux dire que le passage de l’état familial à l’état libre, pour