Page:Renee Dunan Une môme dessalée 1927.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 18 —

comme une citerne et doublé d’un surérogatoire broc d’émail tendre, signifiaient à ses yeux que rien ne s’éloignait hors de ses atteintes. Elle était cette merveille, une fille, jolie, bien entendu, qui sait encore user d’une eau abondante pour entretenir fraîche la fleur de son beau corps. C’est son ami, l’homme sceptique et blasé, qui lui avait trouvé cela et en avait soldé le prix. Elle l’aimait, maintenant, d’une tendresse ombrageuse et triste. Il lui semblait qu’appartenir à ce généreux et ironique personnage lui devrait porter bonheur.

Sans doute, plus experte et informée dans les arcanes de l’amour et de ses pratiques, eût-elle trouvé que les façons du personnage semblaient de maquignon et d’impuissant. Il aimait seulement, en effet, à regarder agir et vivre une femme nue. Il goûtait en artiste et non en amant, de voir, sur la chair et sur les muscles apparents, le détail des réflexes et des mouvements volontaires dire l’esprit même qui les anime. Cela se rehaussait en lui par le sentiment confus d’un jouet disponible pour apaiser expertement des élans sexuels dont il se voulait d’ailleurs toujours maître.

Et il admirait les ressources infinies de l’impudeur chez les êtres héréditairement pudiques. Il aimait aussi à surprendre et à faire réagir les impulsions de la honte, dont au demeurant Zine restait toujours chiche… Enfin, malgré les supplications de l’enfant, il refusait de la déflorer. Il disait :

— Il faut que cela te coûte beaucoup, près d’un homme que tu n’aimeras pas, ou que cela soit le fruit d’un élan ardent, ton corps étant abandonné à un adolescent de ton âge. Sache-le et essaie de me comprendre ; en amour, il ne faut jamais agir selon l’intelligence. Seuls l’intérêt et la passion ne déçoivent pas. L’esprit — et lui seul te pousse en ce moment vers moi — est de mauvais conseil.

Il disait encore :

— Laisse couler ta vie selon la pente qui t’entraîne. Nous vivons pour trouver à accrocher nos existences à de petites félicités ramassées tant bien que mal partout.