Page:Renee Dunan Une môme dessalée 1927.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 31 —

— Alors, vous le connaissez juste depuis le temps qu’il lui a fallu pour faire de vous une… femme ?

Elle approuva sans parler.

Il lui tapota les joues.

— Petite fille Française, dans mon pays on pourrait l’emprisonner pour deux ans. Voulez-vous être avec moi, maintenant ? Zine sentit sa malice revenir :

— Dans votre pays, on ne vous emprisonnerait pas, vous, pour la même chose ?

— Non, car nous irions devant le pasteur. Moi je vous trouve si charmante qu’à mon premier regard j’avais décidé que vous seriez à moi.

Flattée, la fillette dit :

— Est-ce bien vrai ? Tous les hommes disent cela.

L’Américain continua :

— Ici, tous ne songent qu’à faire dévêtir sans cesse de nouvelles femmes. C’est le seul but de l’activité quotidienne pour deux cent mille hommes de Paris. Moi, je veux une femme, rien qu’une, parce que j’ai besoin et parce que j’aime cela…

Zine n’avait entendu que l’expression « j’ai besoin », cela l’irrita d’autant plus que sa douleur intime s’effaçait et qu’elle reprenait, avec une nuance de rancune contre les hommes, sa petite âme coutumière. Elle dit :

— En France, on ne dirait pas j’ai besoin. L’amour, comme on le comprend ici, est une jouissance de luxe.

L’homme des États la regarda en silence, puis, tranquille, il riposta :

— J’aime que la femme pense ainsi, c’est très bien. Mais non pas l’homme. Je ne connais qu’un superflu, c’est l’argent. Avec lui j’achète de l’amour à mon gré.

Zine crut avoir ici le dernier mot.

— Cela dépend. Il y a en amour des choses que seule l’affection apporte. Ainsi, moi, en ce moment, vous ne m’achetez pas. Si je ne voulais pas rester avec vous, aucune somme d’argent ne me retiendrait.

Le Yankee pouffa :

— C’est très joli, mais si on pardonne à une femme