Page:Renee Dunan Une môme dessalée 1927.djvu/32

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— Je vais aux lavabos.

— Oui ! grogna-t-il sans lever les yeux.

Zine se leva et s’en alla doucement jusqu’au fond du café. Le blond athlète la suivait.

Devant la cuvette où elle se lavait lentement les mains, il dit avec un accent nasillard, mais non point ridicule :

— Pourquoi, vous, si jolie, êtes-vous avec ce maquereau ?

Elle le regarda sans répondre. Il continua :

— Venez avec moi. Le café a deux sorties, et laissez l’autre là-bas.

La rancœur de Zine prit une forme concrète et immédiate qui lui fit passer un frisson de volupté sur l’échine. Elle dit :

— Oui. Où est l’autre sortie ?

— Suivez-moi |

Elle suivit. Lorsqu’elle arriva sur la seconde rue, le jeune homme avait déjà arrêté un taxi et il l’aida à monter. On roula ensuite et l’enfant resta un temps muette, cuvant une sorte de douce peine, qui lui faisait battre le cœur.

Lorsque la voiture franchit la porte du Bois, Zine demanda :

— Où me menez-vous ?

— Je ne sais pas, dit-il avec calme et sérénité. Dites-le ?

— Je ne sais pas non plus.

— Voulez-vous que nous nous promenions dans le Bois au hasard ?

— Oui ! accepta-t-elle.

— Alors, causons un peu. Dites-moi, c’était votre ami, cet homme en casquette ?

Elle hésita, puis dit :

— Je le connais depuis une heure.

— Alors il ne vous est rien ?

Elle murmura en rougissant :

— Si !

— J’aurais cru que vous étiez encore pure, reprit-il.

— Je l’étais tout à l’heure.