gouverneur et sa brutalité ; il terrorisait le canton, où il était devenu en quelque manière un seigneur féodal, ou, comme disent les Malgaches, un toumpoumenakely, tirant de l’argent de ses administrés, se faisant payer le moindre service, prélevant sa dîme sur les biens et les personnes. S’il rencontrait une fille ou une femme à son goût, il lui donnait rendez-vous en sa case, et aucune ne s’était encore soustraite à l’autoritaire désir de ce despote.
Bao, la femme du milicien, avait été secrètement flattée de sa recherche : elle eût cédé de suite à ses sollicitations pressantes, sans l’arrivée inopportune du mari. Maintenant elle avait peur des colères et de la vengeance de Ratsimba, surtout elle redoutait d’être abandonnée. Mais, plus elle fuyait le gouverneur, plus la passion de celui-ci s’exaspérait. Il pensait posséder Bao à l’insu du milicien : surpris dans sa tentative galante, il avait voulu d’abord renoncer à l’aventure. Mais il n’était pas habitué à réfréner un désir : bientôt l’image de Bao le hanta ; il la voulait de toutes ses forces de mâle brutal. Plusieurs fois il lui dépêcha des vieilles complaisantes, pour implorer ou signifier des rendez-vous : elle s’excusa, prétextant la jalousie de son mari, l’étroite surveillance exercée sur sa personne. De fait elle avait peur et ne tenait point à risquer pour une passade sa situation d’épouse de milicien.