Page:Renel - La Race inconnue, 1910.djvu/13

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L’HOMME QUI FIT MOURIR SES ENFANTS


Ce matin-là, Ranaivou le mpisikidy[1] était sorti de sa case dès l’aurore. Toute la nuit, la faim l’avait tenaillé, la faim horrible qui depuis quatre lunes épuisait le Pays-d’en-Haut. Jamais, de mémoire d’homme, la saison des pluies n’avait été si en retard : les jours étaient brûlés par le soleil, les nuits n’avaient point de rosée ; partout le riz déjà repiqué séchait sur place, les germes mouraient dans la terre aride. Depuis longtemps les silos étaient vides de grains, les animaux domestiques avaient tous péri, les chenilles avaient dévoré les feuilles des arbres et les hommes avaient mangé les chenilles. On était allé très loin dans la brousse déterrer les racines, on avait cuit toutes sortes de plantes, dont le suc rendait malade ; des gens moururent, pour s’être nourris de fruits rouges inconnus, cueillis dans la forêt.

  1. Le mpisikidy est l’homme instruit par tradition orale dans l’art du Sikidy ou de la divination.