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Page:Renel - La Race inconnue, 1910.djvu/226

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vanité de sa mission : ces gens étaient de vrais sauvages ; ils vivaient durement sur une terre ingrate, enfermés pêle-mêle avec leurs troupeaux dans des villages hérissés de cactus ; sans contact avec la civilisation, ils l’ignoraient et n’en attendaient rien. Qu’allait-il bien leur promettre ? Eux surtout, qu’allaient-ils lui demander ? Sait-on jamais, avec ces primitifs ? Le Vazaha, le Blanc, est à leurs yeux une espèce de sorcier ; or sorcier pour ces peuples est presque synonyme de dieu. L’idée d’être pris pour un dieu lui eût souri, à condition de n’avoir pas les charges de l’emploi. Il ne se sentait aucune vocation pour prédire l’avenir, déchaîner l’orage, ou dénoncer un jeteur de sorts.

M. l’Administrateur s’avançait donc avec résignation vers Bemadilou, à travers un paysage monotone. Le lit de la rivière desséché se déroulait en un long ruban de sable jaunâtre, coupé par endroits d’un peu de poussière de quartz blanc et de quelques affleurements de roches calcaires. Les berges, escarpées, hautes de deux ou trois mètres, avaient l’aspect tantôt de dunes, tantôt de falaises ; immuablement elles étaient bordées de raquettes, de ces cactus géants qui hérissent tout le pays et lui ont valu son nom de région cactée. Çà et là des végétaux de forme paradoxale rompaient la monotonie épineuse du taillis : des arbres sans feuilles aux tiges glauques dressées parallèlement en bâtons cylindriques,