Page:Renel - La Race inconnue, 1910.djvu/238

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elle entrait dans la case de joncs, elle saisissait à pleines mains les bêtes gluantes qui lui glissaient entre les doigts et les jetait dans le tandrouhou d’osier, où elles achevaient de mourir. Son horizon était borné par l’autre rive des lagunes, du côté où le soleil se lève, et du côté où il se couche, par une forêt touffue, qui commençait aussitôt après la prairie, sur les pentes d’une colline qu’elle n’avait jamais gravie. Elle était parfaitement heureuse, d’un bonheur animal. Elle ne gardait que le souvenir de deux malheurs dans son existence puérile : une fois, une grande nasse de pêche séchait au soleil ; avec des enfants de son âge, elle avait joué à faire sakafo et petraka dans la maison des poissons ; mais son père, en criant, était venu les chasser, et il avait voulu la battre, car les bêtes de l’eau n’entrent jamais plus, d’après les croyances des ancêtres, dans une nasse qui a servi de jouet à des enfants ; il avait fallu brûler la grande machine et en fabriquer une neuve. Un autre jour la petite, seule dans la case, avait très faim ; des racines de manioc restaient sur les pierres noires du foyer ; elle s’était mise à en manger, sans penser à mal ; sa mère, rentrant, l’avait surprise et grondée bien fort :

« Oh ! c’est fady, fady ! Qu’est-ce que tu as fait, ma Ranirina ? Quand une petite fille mange les choses déposées sur le toukou, jamais elle ne