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Page:Renel - La Race inconnue, 1910.djvu/286

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mon cuisinier confectionne en ce moment.

Après quelques secondes d’hésitation, il accepta.

— A tout à l’heure, alors.

Le repas me sembla plutôt long. Il n’y avait entre nous aucune cordialité. Je le sentais aigri, mal disposé, haineux ; j’éprouvais à son égard une grande pitié mêlée de beaucoup de défiance. Je n’avais nulle envie de provoquer de sa part des confidences sur ses infortunes, pas plus que je ne tenais à lui raconter mes propres affaires. Aussi la conversation languissait.

Comme je lui demandais s’il avait quitté la France depuis longtemps :

— Depuis onze ans, répondit-il assez sèchement.

— Moi, depuis sept.

— Et vous y retournez après fortune faite, répliqua-t-il, avec un singulier sourire un peu amer, en jetant un regard furtif sur ma sacoche accrochée à l’un des piquets de ma moustiquaire. Je surpris ce coup d’œil : il s’en aperçut, rougit très fort et me parla aussitôt de Manandzary, où j’allais m’embarquer. Comment le savait-il ? J’étais sûr de ne pas le lui avoir dit. Je me souvins de l’avoir vu s’entretenir avant dîner avec deux de mes hommes qui lavaient leurs lambas à la rivière. Les bourjanes sont de grands enfants bavards ; ils aiment à raconter au premier venu leurs histoires et celles des autres. Les miens avaient dû lui parler de moi, de