Page:Renel - La Race inconnue, 1910.djvu/69

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LA MARCHE À LA MORT


Depuis que Ravô était morte, Rafaralahy ne connaissait plus la joie. Les premiers jours, accroupi dans un coin de la case, comme hébété, il se cachait le visage dans un pli de son lamba, quand on lui parlait ; il ne pouvait même pas pleurer. Des semaines passèrent ; sa douleur éperdue se tourna en obsession. Le corps du désespéré hantait la maison, son esprit semblait être resté dans le Tombeau-des-Ancêtres, après qu’on y avait étendu sur la dalle froide la dépouille de la bien-aimée, roulée dans les linceuls de soie rouge.

Pendant deux années, il avait joui de l’amour de Ravô ; elle morte, il la gardait dans les moelles et dans le cerveau ; il n’avait plus de goût à la vie. Ses sœurs, sa vieille mère étaient scandalisées d’un deuil si tenace ; car les Malgaches, race douce et puérile, donnent rarement l’exemple de pareils excès dans la douleur ; ils n’ont pas la crainte de la mort, ni pour eux, ni pour leurs proches, et ils continuent de rire ou d’aimer, près des Tombeaux.