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Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/112

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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

même comme un Derviche. Sur la pierre ruisselante de miel, le Maître-dit-Sacrifice recueillit un peu de liquide, en aspergea le danseur. Celui-ci touchait alternativement d’une main, puis de l’autre, les pierres du tombeau, prolongeait l’attouchement par une crispation des doigts, comme pour faire passer en lui l’énergie divine, ou bien prenait, en tournant, un point d’appui sur le mur de pierre. D’autres hommes et aussi des femmes se mêlèrent à la danse. Les uns, au bout de peu de temps, s’abîmaient en une prière fervente, les yeux fermés, émettant seulement une sorte de halètement saccadé. Et, dominant l’ampoungue, le chant des femmes et les battements de leurs mains, tantôt précipités, tantôt ralentis, suivaient le rythme inégal des mouvements de la danse :

— E, é, héé !… é, é, héé !…

Le plus jeune, en extase, le visage douloureux, tournait maintenant comme une toupie, avec des gestes violents, de plus en plus rapides ; près de tomber, il s’accrochait aux pierres, s’y suspendait presque, avant de recommencer sa danse éperdue ; il entra bientôt en transe, se mit à exhaler des hoquets et des sifflements entrecoupés de prières :

— Voici… Voici… Nous t’apportons… Voici ! Voici ! Voici ! Nous t’apportons les offrandes ! Voici ! Voici ! Voici les rameaux des arbres sacrés, les épis des rizières, les racines arrachées de la terre !… Voici les fruits ! Voici le miel ! N’aie pas peur ! N’aie pas peur ! Le vazaha qui est ici, est pour nous comme un père et une