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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

pait la main dans le liquide rouge, aspergeait les assistants. Puis, la poitrine du mouton ouverte d’un seul coup, on arracha le foie, dont on frotta la pierre sainte.

Alors le frère de Razane, pour qui s’accomplissait le rite, monta sur la plate-forme et se prosterna, tourné vers le Nord-Est, dans la direction des origines immémoriales. Il leva ses mains rapprochées et ouvertes. Le père prit un peu du sang qui ruisselait, fit à son enfant les onctions rituelles, sur le haut de la tête, sur le front, sur chaque joue près des tempes, puis encore, après un intervalle de chants et de danses, à la poitrine. Le jeune homme s’inclina dévotement, et, la face sur la pierre, à deux reprises, il lécha le liquide sanglant.

Les chants et les danses reprirent. La voix des femmes dominait les sons de l’ampoungue et des flûtes, avec la même mélopée nasillarde indéfiniment répétée :

— E, é, héé !… é, é, héé !…

Claude s’étonnait de la sauvage grandeur de cette scène et comparait aux rites des religions occidentales cette espèce de communion païenne. L’imposition du sang en la présence réelle de l’Ancêtre divin lui parut d’un admirable symbolisme, et, si le père de Razane était venu, avec son doigt rougi, lui faire au front la marque rituelle, il eût trouvé, en cette minute, le geste presque naturel.

La cérémonie était terminée. On s’en revint au village, en emportant pour le repas rituel la chair de l’agneau sacrifié. Claude et sa petite