Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
119
LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

Elle se leva, vint, câline, s’accroupir à ses pieds, et des deux mains saisit les genoux du maître, dans l’attitude des suppliantes antiques. Sa bouche avait une moue triste, ses yeux se noyaient de mélancolie. La tête renversée en arrière, elle dit d’une voix humble et douce :

— Ta petite femme malgache ne te suffit donc plus, Raclaude ? Tu veux en essayer d’autres ? Tu ne m’aimes plus ?

Claude évoqua une Européenne dans la même situation, la réponse qu’elle eût faite ; et il sourit. Elle sourit aussi, imperceptiblement, étreignit des deux mains le bras de l’étranger, appuya sa joue contre lui.

— Mais pourtant, s’il me plaisait d’avoir plusieurs femmes ? Tu dois comprendre cela, toi, Razane, puisque tu es malgache, et que tes ancêtres avaient le droit de prendre des épouses autant qu’ils en voulaient ?

— Pas vrai, ça, Raclaude. Il faut dire : autant qu’ils pouvaient. Les riches avaient plusieurs femmes, les pauvres une seule. Et puis on offrait un beau cadeau à la première épouse, dit-elle en riant, quand on introduisait une femme nouvelle dans la case !… Aujourd’hui, les Malgaches font comme les Vazaha, ils ne suivent plus la coutume des ancêtres…

— Mais je pourrais avoir une épouse de ma race, là-bas, de l’autre côté de l’eau sainte qu’on traverse dans les grands bateaux.

— Alors, je serais ta vadikèle, ta petite épouse. C’est toujours la préférée. Nous avons un proverbe qui dit : « L’amour est comme le