Aller au contenu

Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

riz nouveau qu’on sème ; quand on le repique dans une autre terre, il repousse plus dru ».

— Est-ce qu’au vieux temps malgache ton grand-père le piroguier, celui que j’ai vu dans ton village, avait plusieurs épouses ?

— Il en a eues jusqu’à trois. On me l’a dit, car je ne les ai pas vues. Tu te rappelles la vieille grande blanche, à Imérinandzak ? Elle était accroupie au soleil contre un mur de la case, et elle te regardait !… elle te regardait ! avec des yeux mauvais… C’est la deuxième femme de mon grand-père. La première est morte depuis longtemps, je ne l’ai pas connue. Et la troisième, la vadikèle, qui avait l’âge de ma mère, le grand-père l’a chassée avant ma naissance, parce qu’il l’avait surprise avec un jeune piroguier dans la hutte de branchages, au bord de la rivière.

— Alors, petite Zane, si un jour j’apprenais que tu me trompes, je ferais comme ton grand-père…

— Tu es le maître, Raclaude. L’homme peut à tous moments renvoyer la femme qu’il a prise. On dit chez nous : « Le mariage est un lien qu’on noue assez lâche pour pouvoir toujours le défaire ». Et puis, vous autres hommes, les vazaha comme les Malgaches, vous vous dégoûtez vite : le bœuf qui reste trop longtemps couché sur un côté se fatigue, alors il se tourne de l’autre.

— Et au bon vieux temps malgache, que devenaient-elles, Zane, les pauvres abandonnées ?

— Elles trouvaient un nouveau mari…