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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

— Quand elles étaient jeunes…

— Oh ! ce n’était pas nécessaire. Tu aimes les proverbes malgaches, Raclaude ; nous en avons un qui dit : « On peut toujours mettre quelque chose, même dans une vieille corbeille ».

— Tu as déjà été mariée combien de fois, toi, Razane ?

— Mais je ne suis pas une vieille corbeille…

— Tu ne veux pas me répondre ?

— Il y a plus d’un fruit dans la forêt ; les doux, on les prend, les amers, on les laisse…

Ainsi l’Imérinienne ne se laissait embarrasser par aucune question. L’arrivée de Berlier les interrompit. Souvent il venait voir Saldague, en camarade, à n’importe quelle heure de la journée, et c’étaient de longues causeries sur les choses malgaches, sur la mentalité des coloniaux et des terriens d’Europe, sur le passé ou l’avenir des races que nous avons coutume d’appeler inférieures.

Razane s’éclipsa. Claude raconta leur conversation et l’habileté de la jeune femme à éluder les questions captieuses.

— Oui, dit Berlier, l’art de la parole est inné chez eux, et il n’est pas de qualité qu’ils apprécient plus haut que celle de l’orateur. « Houve qui sait parler, il n’y a rien qu’il ne puisse achever. »

— Vous parlez vous aussi, comme Zane, en proverbes.

— C’est que les proverbes possèdent une vertu extraordinaire. Ils participent à la sagesse