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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

donné rendez-vous chez Berlier : on partit de la maison, à douze, en filanzane, les rares passants regardaient non sans étonnement ce cortège d’hommes en habit et de ramatous drapées dans des lambas de soie ; le pas cadencé des quarante-huit porteurs sonnait allégrement dans la ville silencieuse. Les six couples entrèrent ensemble, et après avoir salué Jean Romain et Rakètamâve, se dispersèrent dans la grande salle au rythme d’une danse.

Il y avait là une quarantaine d’Imériniennes, et une centaine d’hommes, indigènes pour la plupart, à peine vingt Européens, aucune femme française. Tous les mondes malgaches étaient représentés : les fonctionnaires surtout, gouverneurs, écrivains-interprètes, personnel de divers services ; puis des commerçants ou des notables houves ; enfin quelques faux cols, amis de cœur de ces dames. Parce qu’il y avait des Européens avec leurs ramatous, certains maris malgaches, pris de scrupules, étaient venus seuls, sans leurs femmes ; mais la plupart n’y avaient pas regardé de si près.

Claude eut de suite une impression d’originalité un peu bizarre, de mondanité malgache parodiant les mœurs d’Europe et cependant teintée d’exotisme. Les indigènes, presque tous en habit ou en smoking, très corrects, gardaient l’élégance et la sobriété des gestes, héritée des ancêtres qui pendant des générations avaient porté le lamba ; quelques-uns étaient en jaquette, en veston, ou même en dolman de toile blanche ; les visages seuls, de bronze clair ou