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Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/153

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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

l’heure présente. Il faut que ma pensée inquiète vagabonde vers l’avenir. Je suis anxieux de savoir, Berlier, si Tananarive me séduira toujours, si dans dix ans je ne serai pas lassé d’une vie qui aujourd’hui se pare pour moi de tous les attraits de la nouveauté.

— M’en suis-je lassé, moi ? Je suis ici depuis plus de dix ans. Et Romain ? Et tant d’autres ? Vous êtes déplorablement chrétien, Saldagne ! Vous avez oublié la belle philosophie de vos grands ancêtres païens ; ils enseignaient et, pratiquaient la joie de vivre, dans les tièdes vallons de l’Attique, ou sous les portiques ensoleillés de la Ville assise sur sept collines…

— Écoutez-moi, Berlier… En ce moment nous nous laissons aller aux fantaisies de notre imagination. Mais je vais vous conter une histoire vraie, un fait d’observation vécue… J’étais en villégiature, il y a quelques années, à Saint-Aubin-sur-Mer, dans le Calvados. Je vivais beaucoup au café, par désœuvrement, et puis parce que de la terrasse on assistait à d’admirables couchers de soleil, entre terre et mer.

— Ceux de l’Océan Indien ne vous ont pas fait oublier vos pâles couchers de soleil des mers boréales ?

— Non, Berlier… J’aime les uns et les autres pour les émotions différentes qu’ils m’ont données. Donc, au café, je fréquentais deux ou trois camarades, et aussi quelques inconnus, de ces gens avec qui on se lie très intimement aux bains de mer, et qu’on ne connaît plus, ou pres-