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Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/20

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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

dieux. Claude, dans la douceur ineffable de cette heure, entendit chanter en lui les hymnes d’autrefois. « Ô mer brillante, mer féconde, où naquirent les Êtres de lumière et de joie qui vécurent les mythes de la Grèce ! C’est de tes flots d’un bleu sombre que sortit Poseidôn à la chevelure azurée, c’est par tes larges routes liquides qu’Europe, assoiffée d’inconnu, s’en fut vers l’Orient lointain, portée sur le dos du taureau blanc, c’est à tes écueils qu’Ariane, trahie par un dieu, conta ses injustices, c’est sur tes eaux maternelles que courut la trirème de Thésée, quand le héros retourna, lassé d’aventures, avec la vierge conquise… »

Ainsi la hantise de l’Amour revenait, du fond des siècles morts, s’imposer à Claude. Il songeait tristement que tous les mâles de sa race avaient toujours souffert du même mal secret et volontaire, depuis que Zeus avait donné à Prométhée une statue vivante de femme, et que Kypris Aphrodité, pour la joie des hommes et des dieux, était sortie nue des abîmes amers. Les histoires d’amour, depuis les drames intérieurs de l’antique maison d’Atrée, depuis les péripéties lointaines de la guerre de Troie, qu’aux crimes passionnels des modernes Cours d’Assises, n’était-ce pas l’essentiel de toutes les heures vécues par les fils des hommes sur la terre d’Europe ? N’était-ce pas la trame de tous les poèmes qu’ils avaient chantés ? Ainsi Claude, fuyant la patrie de ses ancêtres, se sentait obsédé encore par la Femme héréditaire.

En vain, il avait rompu les liens matériels,