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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

montagnes de rêve : quelques sommets neigeux empourprés par les dernières clartés du jour semblaient émerger des nuages, si haut par delà l’horizon qu’on les eût dit perdus dans le ciel et reposant, comme les murailles fabuleuses de la Cité des Oiseaux, sur des amoncellements de nuées. La vision dura cinq minutes, des brouillards roses s’étendirent sur la mer, sous les voiles du soir, comme dans les apothéoses de théâtre, lient devant la scène des gazes transparentes. Le mouvement innombrable des vagues et leur clapotis monotone exaltaient l’immobilité silencieuse des monts lointains. La vie et l’agitation des hommes sur le navire semblaient à Claude vaines et puériles devant les cimes inaccessibles. Son imagination concevait avec peine qu’à leurs pieds, au-dessous de l’horizon, se cachaient, comme des fourmis, les peuples de l’Île-aux-Cent-Villes, et sa pensée remontait très loin dans le temps et dans l’histoire.

Sans doute ce fut en une telle minute que les ancêtres des Hellènes, portés par des barques fragiles sur les chemins humides de la mer, conçurent leur cité divine, et dans les neiges marmoréennes des hautes montagnes sculptèrent des palais pour les Immortels…

Les mouettes, annonciatrices de la terre, accompagnaient le Melbourne de leur essaim tourbillonnant, quelques dauphins jouaient à la surface des eaux. La Méditerranée palpitait dans le soir tiède, prête encore à enfanter des