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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

Parce que nous ne leur demandons pour ainsi dire rien en dehors des satisfactions physiques qu’elles sont fort aptes à nous donner. Si bien que le peu qu’elles nous accordent en plus, nous l’accueillons avec reconnaissance, comme quelque chose d’inattendu et de rare. Nous les trouvons facilement supérieures à l’idée que nous nous faisions d’elles, et nous leur en savons gré. C’est qu’au fond l’idée que nous en avons n’est pas bien haute. Du moins je parle pour moi… Nous sommes comme des gens qu’une panne d’automobile oblige à s’arrêter dans un pauvre village perdu et à déjeuner dans une auberge de piètre apparence. Ils sont convaincus d’avance qu’ils feront un exécrable repas. Pourront-ils manger seulement ? Et voilà qu’on leur sert une omelette faite avec des œufs et du beurre frais, d’excellent saucisson de campagne, un poulet qui ne se défend pas, une salade croquante assaisonnée d’estragon. Nos voyageurs, ravis, trouvent la chère meilleure qu’à la maison. Le repas coûte d’ailleurs quatre fois moins qu’en ville. Aussi se promettent-ils de revenir.

— Mais c’est vous qui me paraissez aujourd’hui bien vazâha, Desroches.

— Je m’adapte aux milieux, mon cher.

Et, tournant les talons, il s’en fut offrir le bras à la femme du Procureur Général, pour la mener au buffet.

Saldagnc reconnut une Tananarivienne qu’il avait eu l’occasion de rencontrer plusieurs fois et l’invita. Madame Ternières, mariée à un in-