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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

génieur chargé d’étudier des affaires minières dans la région centrale de l’Ile, habitait Tananarive depuis deux ans et demi, et devait prochainement rentrer en France. Le paludisme l’avait fatiguée : son visage pâli, ses yeux cernés lui donnaient une expression presque douloureuse, qui disparaissait dès qu’elle s’animait un peu. Sa robe de dentelle noire mettait en valeur des épaules très blanches. Après quelques tours de valse, elle s’excusa sur son état de santé, pria Claude de la conduire dans la serre, pour chercher un peu de fraîcheur.

Il y avait une profusion de plantes tropicales, apportées la veille de la forêt : cicas touffus aux longues feuilles barbelées, palmiers et lataniers d’espèces rares, fougères arborescentes ouvrant sur une tige ligneuse leur parasol vert étrangement découpé, bambous légers, droits comme des cierges ou recourbés en forme de crosse, et de hautes tiges de rafia, aux nervures jaunes, qui, vite desséchées, s’inclinaient comme des palmes. De distance en distance, des orchidées, chevelures fleuries arrachées au sombre sous-bois de la grande Sylve, achevaient de mourir, sous l’éclat des lumières, dans des vases de terre rouge. Des lianes Aurore, des branches flexibles de boulainvilliers, cueillies dans les jardins d’Iarive, égayaient de violet et d’orange les verdures forestières. Au milieu du feuillage, des lampes électriques, semées au hasard, brillaient comme des yeux.

Assis en un coin de la serre, ils se mirent à causer. L’ambiance exaltait Claude, et l’Euro-