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Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/215

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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

— Oui, je l’ai contemplée bien souvent, cette heure rose, ici de la varangue de ma maison, la-bas de la terrasse d’un petit café italien, d’assez piètre apparence, en face de la Fontaine Neptune…

— Je ne me l’appelle pas votre petit café. En femme gourmande, je fréquentais plutôt une pâtisserie, sur je ne sais plus quelle place derrière Or San-Michel ; les cassate alla Siciliana y étaient parfaites. Mais vous allez me trouver sotte d’avoir des souvenirs aussi prosaïques.

Ils parlèrent des pèlerinages aux Églises ornées par les Maîtres, des longues visites aux Uffizi. Des visions d’art hantèrent l’imagination de Claude, le regret lui vint, plus vif, des divins passe-temps créés par ses Ancêtres, et dont les Imériniens, venus si jeunes à une civilisation trop vieille, ne connaîtraient sans doute que de ridicules parodies.

L’Européenne se leva, prit le bras de Saldagne pour retourner dans la salle de fête. Il la reconduisit jusqu’à sa place, lui demanda son jour. Pendant une demi-heure, passée en tête à tête avec cette femme jeune et désirable, il n’avait pas eu la moindre velléité de flirt, il avait causé simplement, en camarade, d’égal à égale comme il eût fait avec Berlier ou Desroches.

Soudain une autre femme le frôla de son bras nu, en passant. Elle portait une des plus jolies toilettes du bal : fourreau de soie pulpe d’abricot, avec, par-dessus, une tunique légère et transparente d’un bleu très pâle ; l’ensemble avait les tons doux et changeants de l’opale à chatoie-