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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

bêtes énervaient sa sensibilité, anxieuse de ce qui se passait dans la maison de là-bas.

La porte à claire-voie du jardin était ouverte ; ouverte aussi, au bout de l’allée blanche de lune, la porte d’entrée de la case. Une ombre noire parut dans la baie de lumière projetée de l’intérieur ; Claude, montant les marches de la varangue, reconnut le docteur Charton, ami personnel de Berlier. Il l’avait rencontré maintes fois dans le Cénacle des Vieux Malgaches. À cause de ses occupations absorbantes, on ne le voyait que de loin en loin. Dans le quartier excentrique de Bétoungoule, il dirigeait l’Institut Pasteur de Tananarive, s’était consacré aux maladies tropicales propres à Madagascar, et dans les jardins de verre de son laboratoire cultivait la flore de microbes inconnus. Du reste, il ne faisait pas de clientèle et ne se dérangeait que dans les cas graves, pour de rares amis. Après avoir serré la main de Saldagne, il lui dit à demi-voix :

— Berlier a été pris brutalement cet après-midi d’une fièvre bilieuse, c’est la troisième, qui pardonne rarement, et déjà l’hématurie s’est déclarée. Si je ne la jugule pas d’ici demain matin, d’ici ce matin, corrigea-t-il en regardant sa montre, notre ami est perdu.

Il y eut un silence, puis le docteur ajouta :

— Il faut qu’à huit heures je rentre à l’Institut, pour des injections antirabiques. J’avais dit à Ralinoure d’appeler un ami de Berlier pour rester ici pendant mon absence. Elle vous a écrit…