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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

Ils montèrent nu premier, entrèrent dans la chambre. Claude, quoique familier de la maison, y pénétrait pour la première fois. La nudité froide et banale de cette pièce l’impressionna péniblement. Le plancher, gris de vétusté, n’avait jamais connu la cire ; le papier des murs, décollé par endroits, était plein de taches, et de larges plaques, bordées de jaune, maculaient le plafond. Mobilier plus que sommaire : deux chaises au siège tendu de ficelle malgache et une petite table en bois du pays, encombrée de fioles et de verres, outre la cuvette et le pot à eau en émail. Des vêtements d’homme et de femme pendaient aux patères ; des malles, salies de vieilles étiquettes et alignées le long du mur, contenaient sans doute le linge et le reste des effets. Une petite natte à bords usés, au pied du lit, accusait l’absence de tapis et de tentures. Le seul confort de la pièce, c’était le lit, en bois malgache à peine travaillé, mais grand et très large. En temps ordinaire, il eut éveillé plutôt, dans cette chambre ascétique, des idées sensuelles ; mais, cette nuit-là, l’impression en était tragique. Berlier y délirait, prononçait des mots sans suite. Ranoure ramenait sur lui le drap, qu’il écartait sans cesse, à grands gestes inconscients.

Le docteur posa quelques questions à la ramatou, fit absorber au malade une cuillerée de potion, et, s’asseyant au pied du lit, garda un silence découragé. Claude resta debout près de la fenêtre ouverte ; il entendait au dedans la respira-