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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

des filaos de la pointe Tanio semblait se détacher sur les montagnes d’azur d’une autre côte lointaine…

Le « Natal » en pleine marche : tout s’éloigne rapidement, le balancement des goélettes est déjà presque insensible, la mer stérile n’a plus d’épaves, Un quart d’heure passé, on ne voit plus guère que la ligne des brisants ; derrière, très loin, des cases blanches, dispersées au ras de la côte, se profilent sur une bande verte, dominée par de hautes montagnes noires…

La nuit tombe vite, Claude, accoudé sur le bastingage, ne distingue plus rien.



La côte de France est signalée depuis deux heures. Claude la reconnaît mal dans la brume du matin que le soleil ne parvient pas à dissiper. C’est le 6 avril, le commencement du printemps d’Europe ; le mistral souffle avec force, aigre et froid ; la mer est dure ; le bateau roule fortement. Le ciel n’est bleu qu’au zénith. L’Européen ne peut pas s’empêcher de songer avec mélancolie aux beaux horizons limpides de l’île australe. Il se dit que cette côte grise, là-bas, c’est le sol de sa patrie, qu’il devrait être dans l’allégresse du retour voulu et désiré par lui. Il s’accuse d’indifférence, regarde ses compagnons de voyage. Beaucoup, descendus dans les cabines, préparent les malles. D’autres, appuyés au bordage, causent tranquillement, en jetant