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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

tons chauds, avait presque la couleur de la terre natale. Les yeux de Claude avaient été pris tout de suite par l’Imerina aux aspects étranges, si joyeuse dans les matins clairs, si triomphale dans les midis radieux, si mélancolique dans les soirs de lumière violente. L’Imérinienne aussi, fille de l’Île rouge, l’avait conquis par un charme ineffable ; des effluves de douceur émanaient de sa personne ; une sorte de joie amoureuse, répandue partout en ce pays sur les choses et les êtres, rayonnait dans le sourire de ses yeux d’enfant.

— À quoi tu penses, Claude ?

— À des choses que tu ne comprendrais guère, petite Zane, et que je ne pourrais même pas t’exprimer.

— Pourquoi ? Je ne suis qu’une petite fille malgache, mais je peux écouter ce que tu diras, Claude.

— Il n’y a pas de paroles pour ce que je pense.

— Alors ce sont des idées d’Européen. Peut-être qu’un jour je les comprendrai, quand j’aurai vécu longtemps avec toi.

— Peut-être, Zane… Dis-moi, quand tu vois, comme en ce moment, au fond, là-bas, toutes les rizières et les villages, et loin, très loin, les grandes montagnes noires, qu’est-ce que tu éprouves ?

Elle rit, d’un petit rire doux et condescendant.

— Je ne sais pas ce que tu veux dire. Tu aimes à regarder mon pays, devant nous, le soir, quand se ferme l’Œil-du-Jour. Moi, je l’ai vu si souvent que je n’y pense plus.