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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

méditerranéens. Il voulait ignorer l’incompatibilité de race entre lui et l’Imérinienne. La peau d’ocre, les lèvres de violettes lui apparaissaient quelquefois comme le symbole d’une prohibition d’amour, mais il l’oubliait dans la possession, ensuite l’obsession revenait. Tels furent les premiers temps de leur union. Puis toutes les barrières s’abolirent et le civilisé subit jusqu’aux moelles l’influx de la jeune barbare. Sa passivité intellectuelle la défendait contre les retours d’autorité de l’homme, et sa puissance de séduction eût triomphé d’une énergie mieux trempée que celle de Saldagne. Elle déroulait pour lui jusqu’aux talons la toison de ses longs cheveux noirs, ondulés et luisants, ou bien elle laissait briller ses dents de jeune bête, humides et blanches, entre les lèvres d’améthyste, ou bien elle noyait de feinte langueur ses yeux pâles, derrière les cils épais. D’instinct elle sentait les attitudes & prendre, elle connaissait les robes à mettre, selon l’heure de la journée, pour mieux attirer les regards du maître ; elle savait les nuances qui convenaient à son humeur : lorsqu’il était triste, elle s’enveloppait, comme si elle avait froid, dans un grand lamba de soie blanche ; quand il était joyeux, elle revêtait seulement de légères tuniques en crêpe de Chine, qui la laissaient presque nue ; quand il amenait des amis, elle portait une robe fermée jusqu’au col, sans jours provocants, et, les yeux baissés sous les longs cils, elle gardait l’attitude modeste que doit avoir en public une jeune Houve bien élevée. Toutes ces ruses