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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

lui venaient naturellement, parce qu’elle était femme, et que les Imériniennes, sous l’ardent climat des Tropiques, naissent et vivent pour l’amour. Razane était lascive, comme les chèvres dans la montagne, sans honte et sans impudeur ; la luxure était dans sa chair et non dans son esprit ; aussi donnait-elle, sauf aux heures d’amour, l’impression d’une petite fille très sage qui, dans la rue, va son chemin sans regarder à droite ni à gauche, et, à la maison, ne songe qu’à dormir ou à babiller.

Elle avait appris le français, la couture et la broderie à l’École des Sœurs ; on l’avait baptisée catholique ; longtemps elle porta, pendu à son cou par une ficelle, un petit morceau d’étoffe avec une image, donné par le Monpère pour protéger contre les maléfices. Elle n’allait plus que rarement à l’église, quoiqu’elle aimât la musique et les chants, car l’évangéliste, un jour, avait prononcé de terribles imprécations contre les Imériniennes qui habitaient chez les Blancs. Elle avait grand’peur d’être montrée au doigt et expulsée publiquement de la Case-des-Prières, comme il était arrivé à Kétamangue, devenue enceinte, et à Razafindrasou, qui se promenait dans les rues avec son époux européen.

D’ailleurs, elle préférait aux usages nouveaux les coutumes des ancêtres, qu’on avait toujours continué dans sa famille de pratiquer en secret. Inquiète sur l’issue d’un événement, elle consultait le devin, liseur de l’avenir dans les rangées de graines étalées sur la natte de jonc. Pour être gardée longtemps par Claude, elle