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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

lonisation, brassait de grosses affaires, aussi bien pour lui-même que pour sa société. À force de vivre en contact avec les indigènes, possédant à fond leur langue, il avait en partie adopté leurs façons de sentir et de penser, en même temps que les familles de ses épouses successives. Jugeant les mœurs de ses propres ancêtres parfaitement absurdes pour Madagascar, il se conformait à celles des indigènes, plus appropriées au climat et au milieu. Il s’était fait construire un tombeau carré, en pierre, tout près de sa maison, à la mode imérinienne. C’est là qu’il voulait être enterré, non pas dans un cercueil, comme un Européen, mais roulé simplement dans un linceul rouge de soie et couché sur une dalle de granit. Michel Berlier était une énigme pour les Français de Tananarive, les uns prétendaient qu’il jouait constamment un rôle, et affichait, pour vivre à sa guise, des idées qu’il n’avait pas ; les autres le considéraient comme un innocent maniaque et ne mettaient pas en doute sa bonne foi. Claude éprouvait pour lui une sympathie très vive, à cause de sa nature ardente, de sa riche imagination et de ses opinions indigénophiles. Les Malgaches, qui se plaisent à donner des surnoms, l’appelaient « Celui-qui-n’aime-pas-les-coutumes-des-Blancs ». Ralinour, sa petite épouse, appartenait à la deuxième caste des nobles de l’Imérina, les Andriantoumpoukouindrindre, c’est-à-dire les Seigneurs-par-excellence. Métissée certainement de sang arabe, bien qu’elle se prétendît de pure