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Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/54

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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

race imérinienne, elle avait le nez busqué, les lèvres minces, le visage ovale et de très grands yeux noirs, légèrement bridés, à la japonaise. Moins belle que Razane, mais plus étrange, elle avait gardé de ses nobles ancêtres la démarche altière, l’expression hautaine et impassible. Elle régnait en véritable épouse dans la maison de Berlier, à qui elle avait donné deux enfants, tolérait toutes les infidélités, sauf celles commises avec des femmes de caste servile. De pareils contacts lui semblaient des souillures, et, dans ce cas seulement, elle faisait à Berlier des scènes véhémentes, en crachant à terre, de dégoût.

Jean Romain, administrateur des Colonies et Algérien d’origine, avait fait des séjours au Congo, au Sénégal, puis à Madagascar. Il s’était laissé prendre, comme tant d’autres, au charme de la terre imérinienne et du doux peuple qui l’habite ; il aimait le pays et la race à la fois en ethnographe et en poète, s’exaltait, comme Saldagne, à contempler le merveilleux paysage du haut d’Ambouhipoutse, s’intéressait à observer les rites et les mœurs. Il ne concevait plus qu’on pût vivre de la vie d’Europe. Pendant ses congés administratifs, dédaigneux des villes de France, même de Paris, il faisait des voyages d’exploration dans la haute vallée de l’Amazone, ou en Afrique Équatoriale, ou dans l’archipel de la Sonde. Il pensait beaucoup, parlait peu, et, les indigènes l’avaient surnommé « Celui-qui-s’informe-de-tout ». Il s’était fortement attaché à sa compagne, qu’il avait prise à quatorze ans dans sa famille et trouvait commode de garder, parce