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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

qu’elle connaissait ses habitudes, ses goûts, ses manies. Kétamâve ou plus simplement, par abréviation, Rakéta, était dans l’épanouissement de sa beauté, très bien faite, avec une aimable tendance à l’embonpoint, le visage rond, les yeux rieurs sous de longs cils, la bouche petite et mutine. Toujours contente, heureuse de vivre, elle rayonnait de la gaieté autour d’elle. C’était l’amie la plus intime de Razane. Celle-ci voyait souvent Ralinour, mais elle préférait Rakéta, de condition libre comme elle, tandis que l’altière Ralinour mettait parfois une nuance légère de condescendance dans ses rapports avec des femmes de caste inférieure à la sienne.

Armand Desroches avait fait une brillante et rapide carrière dans la magistrature coloniale. Après de courts séjours à Pondichéry, Hanoï, Tahiti, il semblait fixé à Tananarive, où il venait d’être réaffecté pour la deuxième fois. Blasé, sceptique, dilettante, il s’amusait en regardant les autres. Les ramatous l’intéressaient peu et on lui prêtait une liaison discrète avec une femme du monde. Il n’était guère connu des indigènes qui l’appelaient simplement « les-Yeux-de-Verre », parce qu’il portait lorgnon.

Le capitaine Cosquant, de l’infanterie coloniale, avait lui aussi couru la vaste terre. Partout les jupons ou les pagnes avaient été sa préoccupation dominante. Nul n’était mieux renseigné que lui sur les mérites respectifs des Martiniquaises, des Peulhs, des Hindoues, des Tahitiennes, des Congaïes. Il aimait à reconnaître la supériorité incontestable de la femme malgache.