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Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/8

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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

byzantines de la cathédrale, la montagne pierreuse où s’agenouille Notre-Dame-De-La-Garde. Sous le ciel hivernal d’un bleu très doux, la côte toute blanche irradiait de la lumière, la mer d’azur scintillait entre les îles. Puis la Corniche incurvait ses calanques, ouvrait ses ports en miniature, étageait parmi les chênes-liège et les oliviers ses bastides et ses villas.

Cependant le vent fraîchissait, mettait à la surface de la mer frissonnante d’innombrables franges d’écume. Sur le pont du Melbourne des femmes, déjà incommodées, se repentaient d’avoir voulu jouir de la vue de Marseille et songeaient à regagner leurs cabines. Les vieux coloniaux, blasés sur le spectacle, étaient descendus pour déjeuner. Seuls quelques rares passagers, demeurés à l’arrière, regardaient.

L’un d’eux, absorbé dans sa contemplation, oubliait l’heure. C’était un jeune ingénieur, engagé par la Compagnie Australe de Madagascar pour diriger les travaux et surveiller les affaires de cette société à Tananarive. Il venait d’éprouver une déception de cœur cruelle, en rompant un mariage depuis longtemps projeté, et il se remémorait les péripéties douloureuses de ce drame intime. Ses hésitations d’abord : épouserait-il ou n’épouserait-il pas Marthe Villaret ? Cette parisienne élégante, mondaine, éprise de tous les plaisirs qu’offre aux femmes inoccupées la vie contemporaine, convenait-elle bien à l’homme qu’il était ?… Puis leurs fiançailles. Sa passion grandissait, tandis que celle qui en était l’objet semblait n’avoir aucune hâte de