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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

renoncer à sa libre existence de femme divorcée. À mesure qu’il était moins hésitant, elle le devenait davantage… Enfin la rupture. Il revivait leur dernière entrevue au Ritz, quelques jours auparavant. Il la pressait de fixer la date de leur mariage : elle cherchait des atermoiements, arguait de mille petits obstacles matériels, puis elle avait eu pour lui un mot cruel ; ils s’étaient quittés sur une impression pénible. Par un soudain revirement, fréquent chez les impulsifs, il avait décidé de la fuir. On venait précisément de lui offrir une situation aux colonies. En rentrant chez lui, il avait écrit deux lettres, l’une de rupture à Marthe Villaret, l’autre d’acceptation pour la Compagnie Australe de Madagascar. Il avait entassé hâtivement les effets les plus indispensables dans ses malles, pris le train pour Marseille, signé son contrat pour la colonie. Maintenant l’irréparable était consommé : chaque tour d’hélice du Melbourne augmentait entre eux la distance, ce serait dans quelques jours toute la Méditerranée qui les séparerait, ensuite des milliers de lieues, de Marseille à Tamatave…

Et il éprouvait, malgré sa peine, comme une sensation de délivrance. Une sorte de joie tranquille, un apaisement lui venait, avec la conscience de sa liberté reconquise, des liens subtils qui l’attachaient à un autre être brusquement rompus. Sa vie de nouveau lui appartiendrait, il ferait ce qu’il lui plairait de ses journées, il allait travailler, redonner à son activité un but autre que le sourire ou le baiser d’une femme.