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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

plaire à l’Européen, elle ne se lassait pas d’en faire étalage. Mais lui ne s’intéressait déjà plus aux appellations de ces lieux que peut-être il ne reverrait jamais, et il trouvait tout vain, hors la ligne harmonieuse du corps de l’Imérinienne, le rire de ses yeux et le son de sa voix, doux comme une caresse, clair comme un parler d’enfant.

Il reporta ses regards vers les rives du fleuve : partout jaunissaient les rizières, près de l’Ikioupe, dans les larges vallées au pied des montagnes, jusque sur les pentes des collines, où elles s’élevaient en étages réguliers, comme des courbes de niveau. Dans les petits carrés, hérissés d’épis mûrs sous lesquels miroitait l’eau, des êtres humains s’agitaient ; des hommes bronzés, nus jusqu’à la ceinture, coupaient les tiges d’un geste monotone et lent ; des femmes vêtues de haillons bruns les recueillaient derrière eux pour les amonceler dans les pirogues. Il semblait à Claude que tous ces Malgaches, serfs de leur glèbe, travaillaient obscurément dans les rizières pour glorifier l’Omphale Imérinienne, victorieuse du conquérant européen.

La vision des plaines riantes s’effaça de nouveau. Le fleuve limoneux précipitait sa course vers les montagnes proches ; la pirogue glissait entre des berges escarpées, secouée par instants dans les remous et comme tirée en dessous par des mains invisibles. Zane fut reprise d’inquiétude. Elle suivait des yeux, à la surface des flots troubles, le vol capricieux des papillons d’eau.

— Vois comme il y a des loules d’eau sur