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Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/94

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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

luttaient à coups de cornes, trois pintades passaient, un personnage, assis sur un escabeau, trayait une vache.

— Est-ce le lit de ton oncle et de ta tante ?

— Oh ! non. Leur lit est en haut. Eux seuls peuvent y dormir, et, d’après les coutumes des ancêtres, il ne nous est pas permis d’y coucher.

— Alors d’où vient celui-là ?

— On l’a acheté autrefois d’une famille noble de ce village, qui s’en est allée à Tananarive.

— Sais-tu s’il est ancien ?

— Oui, très ancien. Les ancêtres faisaient seuls des lits comme celui-là.

Sur une table, luxe nouveau chez les Malgaches, le couvert était mis à l’européenne ; deux chaises massives en palissandre, semblables à nos vieilles chaises de ferme, attendaient les convives.

Aux murs s’étalaient toutes sortes d’images disparates, primes trouvées dans les bottes de petit beurre ou dans les paquets de chocolat, gravures de l’Illustration, vieilles photographies jaunies ; le portrait en couleurs du général Galliéni témoignait du loyalisme des habitants de la case. Une des parois semblait réservée aux sujets sacrés, petites images de piété et découpures, une Vierge de Raphaël, prime de quelque journal illustré, voisinait avec de grossières représentations du Sacré-Cœur ou de l’enfant Jésus de Prague. Une chromo aux couleurs criardes avait les honneurs de l’encadrement : un moribond, les traits convulsés, gisait sur son lit ; en vain sa femme, à genoux, cherchait à