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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

le protéger avec un rosaire ; il regardait, horrifié, l’enfer accourant pour le saisir. Dans le lointain, Lucifer, sur un trône rouge, lui faisait signe ; un diable au nez crochu, aux ailes de chauve-souris, le tirait par un bras, un monstre s’accrochait à ses pieds, un serpent rampait vers sa poitrine. Dans un coin du ciel bleu, un ange blanc s’éloignait avec tristesse, en se cachant la figure de ses mains. Tout le côté Enfer se détachait sur un brasier ardent, et des flammes jaunes, ça et là, serpentaient vers le lit, au-dessus duquel se dressait le spectre de la Camarde, armée de sa faux. La hideuse image était expliquée en huit langues par cette légende : « La mort du pécheur ».

Ce cléricalisme d’exportation scandalisa Claude. Ses yeux allaient du bois du lit naïvement sculpté à l’horrible enluminure, et il ne pouvait s’empêcher de faire une comparaison entre le triste produit de la civilisation européenne et l’humble manifestation de l’art indigène.

— Tu regardes l’image du Monpère, Raclaude ?

— Je la trouve laide. Et toi ?

— Elle a de belles couleurs.

— Tu sais ce qu’elle représente ?

— C’est le Grand-Feu.

— Tu en as peur, du Grand-Feu ?

— Pourquoi en aurais-je peur ? C’est une histoire que les Monpères racontent pour effrayer les petits enfants. Et puis, est-ce que j’observe, moi, les coutumes des Monpères ?