Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/166

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chaînés dans le cours du temps. Le principe de l’enchaînement est, dans l’entendement divin, la raison suffisante : « Rien n’arrive sans qu’il soit possible à celui qui connaîtrait assez les choses de rendre une raison qui suffise pour déterminer pourquoi il en est ainsi et non pas autrement. » Leibniz poussait si loin l’application de ce principe que, là où il fixait le commencement des choses contingentes, savoir en « une substance qui en soit la cause ou qui soit un être nécessaire portant la raison de son existence avec soi », là encore il essayait d’envisager quelque chose en avant qui servît de raison d’être à Dieu. C’était sa possibilité, à l’appui de laquelle il n’avait cependant pas d’autre démonstration que d’observer qu’elle n’implique pas ! Les partisans du procès à l’infini des phénomènes pouvaient regretter qu’il eût manqué de hardiesse, dans l’ordre même de ses idées ; car en étendant du temps à l’éternité l’acte de la création, il aurait simplifié son système sans en altérer l’esprit ; et plusieurs ont cru que tel était bien le fond de sa pensée.

Kant s’est flatté de s’éloigner beaucoup de Leibniz, en sa philosophie. Pourtant, si, en dehors de la partie négative de sa critique, nous regardons à sa métaphysique, en laquelle il s’est montré plus dogmatique qu’à lui n’appartenait, voici ce que nous pouvons constater : 1o sur la substance, il a admis l’existence de sujets cachés sous les phénomènes, et non pas seulement le noumène universel inconditionné (XXXIII) ; 2o sur Dieu, il a accepté et recommandé à titre d’idéal de la raison pure une définition de Dieu et des attributs infinis conforme aux idées générales des théologiens et de Leibniz ; 3o sur l’infini, il a regardé les raisons avancées à l’appui de l’éternité et de l’infinité du monde comme bonnes