Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/33

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toujours d’une chose à son Contraire, cet agent est la Guerre : Polémos ; Père de tout, le même que Zeus, quand c’est l’alliance et non la contradiction qu’on envisage. L’harmonie naît de la lutte. La Justice et la Nécessité (Diké, Himarméné) règnent sur l’univers. La métaphysique prend la suite de la mythologie en substituant des abstractions à des personnes.

Suivant Empédocle, les deux contraires, l’Amour et la Haine (Nikos et Philotès) sont les forces motrices qui président, l’une aux combinaisons des éléments, l’autre à leurs séparations ; et de là viennent les transformations des êtres, tandis que les quatre corps élémentaires demeurent invariables.

Anaxagore, contemporain d’Empédocle, et de qui l’idée de génie fit une si grande impression sur les penseurs, quand il prit l’intelligence (Noûs) pour principe du mouvement, sous la loi de la pensée qui prévoit et ordonne, ne fit cependant que suivre, lui aussi, la méthode réaliste. Le mérite éminent de sa conception consistait dans cette découverte : qu’il y a quelque chose de plus indispensable qu’un mode formel de constitution de l’objet qui se détermine (le nombre, par exemple), ou qu’un principe d’union ou de division (l’Amour ou la Haine, — la Guerre ou l’Harmonie), pour introduire l’ordre dans les phénomènes, débrouiller le chaos des éléments, produire l’organisation : c’est de savoir ce qui est à faire et de posséder la force motrice. Ce sont les deux pouvoirs qu’Anaxagore reconnut à l’Intelligence, ou plutôt par lesquels il la définit, suivant la méthode de réalisation des concepts ; car le premier de ces pouvoirs implique, il est vrai, la conscience, mais Anaxagore ne dit pas qu’il est dans le Noûs ce qu’il est dans une personne, et qu’il appartient à Dieu ; et le second