Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/43

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vraie qui éclaire tout homme ; elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue… Le Logos est devenu chair et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire du Fils unique, venu du Père, plein de grâce et de vérité. » Il est instructif de surprendre le réalisme des idées s’appliquant, là, par de simples figures de rhétorique, et ici pour constituer une entité physique, une personne et un Dieu. Le procédé est pourtant dans les deux cas le même.

Avant la thèse de l’incarnation, on ne sortait pas de la simple doctrine des hypostases, et du sens tout métaphysique de ce mot hypostase, qui n’est pas le sens humain de personne. Mais l’incarnation du Logos introduit ce dernier sens dans la seconde hypostase, qui s’identifie avec la personne de Jésus, à la fois homme et Dieu en sa double nature, selon le style reçu : personne humaine, au sens humain, personne divine, au sens hypostatique. Or ces deux sens ne s’accordent pas : si le premier est consulté, on a deux dieux personnels, et le rapport d’émanation de l’un à l’autre est un non-sens ; si le second est préféré, la personnalité s’évanouit des deux parts, attendu que les définitions ne répondent plus qu’à des idées réalisées. Et c’est la personnalité néanmoins que l’on a surtout en vue, quand on pense au dieu un de la tradition, que l’on n’entend nullement abandonner. Il faut convenir que le réalisme tombe alors dans le genre de contradiction qui rend l’expression de la pensée impossible, et ne consiste pas seulement à constituer un sujet métaphysique avec des attributs contradictoires (ci-dessus II et III) ; ou bien il ne faut donner aux hypostases que le sens qu’elles ont dans la théologie alexandrine.