Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/54

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prétendues antinomies de la Raison pure, lorsque s’étant persuadé que l’entendement ne fournissait des arguments ni meilleurs ni pires pour démontrer la nécessité logique des bornes à reconnaître au monde dans le temps et dans l’espace, que pour en démontrer l’impossibilité, il pensa que le monde des phénomènes ne pouvait être dit ni infini ni fini, — ce qui serait contradictoire s’il s’agissait d’un monde réel, — et qu’en conséquence la réalité devait appartenir à un monde de noumènes, situé hors du temps et de l’espace. Or, un monde de ce dernier genre est inconcevable, sa définition n’a pour nous aucun sens, ou du moins, en tant que nous proposant un objet concevable, elle est proprement négative. Du mot noumène, qui signifie l’intelligible, ou le pensé, Kant a fait le nom d’un sujet qui ne peut être pensé, qui n’est donc pas intelligible.

Penser, c’est conditionner : par cette simple formule, Hamilton a renversé le système des catégories kantiennes, comme n’étant point fondé sur la relation comme principe des catégories. Mais quand il a appliqué à la discussion des antinomies sa philosophie du conditionné, ce philosophe, tout en reconnaissant l’option logiquement forcée entre la thèse et l’antithèse, en ce qui concerne les bornes du monde, les a tenues toutes les deux pour inconcevables. Il n’a pas réfléchi que la thèse du fini était conforme au principe du conditionnement, ou relativité, qu’elle s’appuyait sur le principe de contradiction, tandis que l’antithèse en implique la violation formelle. Hamilton a donc été, comme logicien, et pour des raisons extralogiques, infidèle à la règle de l’entendement, que lui-même il reconnaissait. Il a adhéré à l’existence d’un sujet, défini par des attributs qui, de son propre aveu, le