Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/72

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lait dire évidemment que chaque état des choses est expliqué par ceux qui l’ont précédé, mais que leur ensemble ne s’explique pas. C’était donc un substantialisme très caractérisé et très absolu que le sien. Seulement il s’épargnait la peine de chercher pour la Substance des qualités morales et ne l’appelait pas divine.

XXIV

Spinosisme et stoïcisme. — Le rapprochement s’impose, en dépit des vingt siècles qui séparent ces doctrines, parce que l’idée principale, des deux côtés, domine les différences métaphysiques relatives aux attributs de la substance et à la nature de son développement. L’admirable simplification de l’analyse philosophique, due à la méthode de Descartes, c’est-à-dire à l’introduction de l’esprit scientifique dans la philosophie, avait préparé pour un penseur tel que Spinoza un terrain déblayé du fatras scolastique des espèces et des formes, au milieu duquel les philosophes de la Renaissance avaient cherché vainement leur route. Deux idées claires, les deux aspects de l’existence, la Pensée, l’Étendue, quelque opinion qu’on dût avoir de leur corrélation, représentaient indubitablement deux classes de phénomènes et distinctes et très certaines. C’étaient, aux yeux de Descartes et de la plupart de ses disciples, des substances, et leurs noms désignaient les attributs caractéristiques sous lesquels se rangent deux séries de modes. Quelques-uns, rares encore à cette époque, pensèrent que la substance étendue était le fond réel des choses, dont les phénomènes mentals n’étaient qu’un genre de modi-