Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/89

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ceux de l’esprit, conséquence manifeste des principes cartésiens, et à mettre en doute, à la fin, le réalisme substantialiste.

La première difficulté porte sur le Cogito ergo sum, c’est-à-dire sur le passage que la théorie de Descartes exigeait, n’éclaircissait point, du sens phénoméniste, admis et même réclamé par les sceptiques, au sens substantialiste. S’il ne s’agissait là que de faire appel à la conviction naturelle qu’a l’homme de la liaison de ses actes de penser, et de l’identité de sa conscience, la question serait promptement tranchée ; mais le cas étant de démontrer l’existence de quelque chose en soi qui soutient et relie les phénomènes mentaux, le passage est logiquement infranchissable entre la notion de substance comme relation d’une qualité à un groupe de certaines autres qualités définies et liées entre elles (objet de perception ou de conception) et la notion de substance comme support ou comme cause de toutes ces qualités, et indépendante de chacune et de toutes pour son existence propre. Le dualisme cartésien était d’autant plus incapable de lever la difficulté, qu’il ne proposait point de théorie de l’individuation. Le rapport de la pensée comme substance, en termes universels, à la pensée comme âme, individu de cette espèce, n’y trouvait point d’explication.

Voilà pourquoi Spinoza, appliquant la méthode cartésienne, embrassa la doctrine de l’unité fondamentale des panthéistes, qui fait évanouir cette question : conclure du phénomène la substance, parce qu’elle prend dans la substance, et non dans le phénomène le point de départ de la déduction. Il conserva la dualité cartésienne pour les modes de cette substance unique, et il en forma deux séries géminées et parallèles de phénomènes, les uns