Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/90

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de la pensée, les autres de l’étendue, attributs de l’être universel. Il put donner ainsi, grâce à la méthode synthétique des définitions, des axiomes et des théorèmes, un caractère déductif entièrement abstrait à son étonnant système où l’individualité ne garde aucune place. L’antiquité panthéiste n’avait connu ni pu imaginer une semblable composition pour unir, en même temps que distinguer, le matériel et le mental, parce qu’elle avait manqué de la distinction méthodique des deux genres de phénomènes dont le rapport est à chercher.

Malebranche, au contraire, admit l’existence des âmes créées et distinctes, comme une donnée de la théologie, qu’il n’aurait pas tirée facilement de l’idée générale de la substance pensante divisée et distribuée entre des consciences imparfaites. Il expliqua les idées dans l’homme par les idées en Dieu, à l’aide d’une participation qu’il appela vision. Les idées platoniciennes reparaissaient ainsi en philosophie, comme des modes de penser de la seconde personne de la trinité chrétienne, avec un sens de conscience personnelle que n’avait pas comporté la seconde hypostase néoplatonicienne, et d’une façon plus claire que ne le permettaient les formes substantielles des scolastiques, préexistantes en Dieu, produites, dans le monde.

Malebranche donna à l’étendue, mais seulement comme intelligible, et à ses propriétés, un siège dans l’esprit divin, où l’esprit de l’homme en prend connaissance. L’amendement ainsi introduit dans le dualisme cartésien des substances était une intéressante œuvre de doctrine, dans une direction qui confinait visiblement à celle du spinosisme, mais avec une idée de Dieu profondément différente. De plus, le dualisme des subs-