Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lorsque, à la place des imaginations confuses sur les espèces émises par les objets externes, on s’attacha à cette idée simple et nette, qu’au dehors, rien n’était qu’espace et mouvement, au dedans, rien qu’idée, comprenant tout ce qui est sensation ou affection, il devint clair qu’on ne saisissait nulle ressemblance entre les deux. Il fallait donc dire qu’il n’existait point de communication naturelle entre les deux substances. C’est ainsi que se posa la question pour l’école cartésienne.

Mais la communication existe. De là le recours nécessaire à Dieu, — ou à un ordre universel, supérieur à l’analyse. — Malebranche et les cartésiens en général pensèrent que les mouvements n’étaient pas proprement la cause des sensations, ni la volonté la cause de la locomotion chez l’animal ; que c’étaient là seulement des causes occasionnelles, c’est-à-dire que rien ne se produisait jamais d’un côté, autrement qu’à l’occasion de ce qui se produisait d’un autre côté. L’auteur effectif, la cause serait Dieu, qui mettrait les phénomènes en rapport mutuel en les réalisant. Le sens vrai de cet occasionnalisme est donné par la théologie thomiste, d’après laquelle Dieu est la cause actuelle de tout ce qui est où s’opère de réel dans le monde.

Si Spinoza eût employé le langage théiste de la doctrine de la toute-action de Dieu, il aurait donné aux causes occasionnelles la forme suivante : Toutes choses étant, en ce qui touche Dieu, éternelles et actuelles, Dieu a disposé et dispose deux séries infinies de modes, l’une sous son attribut de l’étendue, l’autre sous son attribut de la pensée, de manière à ce qu’elles se correspondent constamment terme à terme, sans que les termes aient quelque autre chose de commun entre eux que ce parallélisme et leur éternelle source divine. De ces deux