Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/94

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séries il fait le monde. Tel est, en effet, le système de Spinoza, à cela près que, selon lui, Dieu, nature naturante, n’est pas distinct de son propre développement nécessaire qui est la nature naturée.

La doctrine qui eût été celle de Spinoza théiste, est celle de Leibniz, qui n’abandonna pas la foi des grands scolastiques. Leibniz ne définit point Dieu comme une nature éternellement naturante et naturée, mais comme un créateur dont l’œuvre, encore que semblable au développement nécessaire d’une substance unique, universelle, s’en distingue par la Providence et la finalité. Mais, surtout, ce n’est plus entre deux séries de propriétés, entre les modes de la pensée et les modes de l’étendue, c’est entre les appétitions, les perceptions et les actes d’une infinité d’êtres doués de sentiment, que Dieu établit la corrélation constante éternelle, qui est l’harmonie préétablie. Ces êtres sont les monades. En un sens, une sorte de constitution de la Substance se fait ainsi dans l’unité, parce que sa définition est une, soit qu’elle s’applique à une monade simple ou à Dieu, en qui les représentations et les actes, tels qu’il les veut, des monades s’assemblent et se coordonnent pour constituer l’univers. En un autre sens, la substance est constituée dans l’infinie multiplicité, chaque monade étant une substance douée d’une spontanéité propre en toutes ses déterminations.

Ce système accomplit, en métaphysique, une révolution analogue à celle que fut, dans l’antiquité, pour la physique, l’atomisme. Mais l’atome ne pouvait être la substance individuelle, parce qu’étant de l’étendue il ne renfermait pas la pensée et ne l’expliquait pas. Au contraire, la monade étant de la pensée au sens cartésien pouvait renfermer l’étendue comme représentation, et