Page:Renouvier - Uchronie, deuxième édition, 1901.djvu/12

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ment dans l’Occident, s’établir dans l’Orient seul, et ne rentrer en Europe que tard, après qu’il aurait abandonné sincèrement ses vues dominatrices ; se faire un idéal de l’histoire, où le progrès des sociétés et l’organisation définitive des nations d’élite, entièrement dus à la philosophie et au développement des mœurs politiques, n’assureraient aux religions que le droit des associations libres, limitées les unes par les autres et par la prérogative morale d’un état rationnel, voilà ce qui aurait fait suspecter à bon droit la piété et les intentions des dépositaires d’un ouvrage de ce genre, s’ils avaient osé le divulguer. Le soupçon sur pareille matière menait alors fort loin, en tout pays, comme chacun sait. Au surplus l’un de ces dépositaires qui nous a laissé son témoignage anonyme à la fin du manuscrit, et qui nous a dévoilé ingénument les dispositions de son âme, ne croyait pas que les hommes de son temps fussent en état de participer utilement à ce qui était sa propre vie intellectuelle ; il n’espérait même rien de nos aïeux, rien de nous, postérité déjà reculée. Le livre comme il l’appelle, lui venait de son père, et il le destinait à ses enfants, comme une nourriture de famille qui les fortifierait en secret.

D’autres raisons s’opposaient à la publication du manuscrit pendant le dix-huitième siècle, ou du moins