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plus de 6 millions, c’est-à-dire, pour être exact, à 244,500 livres, soit 6,115,500 francs en chiffre rond. La moitié de cela, mademoiselle Katers, suffirait pour faire de vous une des plus nobles ladies des trois Royaume-Unis, soyez-en certaine.

— Oh ! je n’y tiens pas, père, je te l’assure.

— Mais moi, j’y tiens, et cela sera. Dieu et maître Abraham s’en mêlant un peu. Vous ne dites rien, mistress Katers ?

— Je dis, monsieur Katers, qu’il serait peut-être plus raisonnable de faire épouser à Betsy quelque bon et honnête garçon, et que tous tes rêves d’ambition sont insensées.

— Nous le verrons bien.

— Comment veux-tu qu’un noble seigneur vienne la chercher ici ?

— Peut-être plus tôt que vous ne le pensez.

Cette conversation se tenait, un matin, dans un petit salon bourgeois de la rue Pater-Noster, une des plus commerçantes de la Cité, entre M. Katers, sa femme et sa fille.

M. Katers, qui avait commencé par la hotte du chiffonnier, en était arrivé, à force de travail et d’intelligence, à cette fortune princière dont il avait le droit d’être fier.

Mais, malheureusement, au fur et à mesure qu’il avait vu ses millions augmenter, il avait de plus en plus caressé son idée fixe : celle de faire épouser sa fille par un homme titré.

Sa femme, honnête et simple créature pour laquelle son mari était naturellement un être extraordinaire, l’avait jusqu’alors laissée dire, pensant que cela était certainement impossible.

La pauvre mistress comptait sans Abraham Darton, avec qui Katers était en relations depuis de longues années, et qu’il avait chargé tout spécialement de lui procurer un époux pour Betsy.

Quant à celle-ci, c’était une assez jolie fille, très-vertueusement élevée, bercée par son père dans l’idée qu’elle devait être un jour une grande dame et toute disposée à lui obéir lorsque le moment serait venu.

Miss Betsy était grande, bien faite, avec de fort beaux yeux, un teint frais et rose. Le bonhomme Katers était convaincu qu’elle tiendrait fort bien sa place dans un salon du West-End.

Pour lui, il se trouvait fort présentable, malgré ses grosses mains rouges, ses grands pieds et le collier de dure barbe rousse qui ornait son visage commun.

L’honnête homme croyait fermement que sa probité et sa fortune péniblement et loyalement acquise devaient lui faire pardonner son extraction plébéienne.

Il avait, le matin où nous nous introduisons chez lui, une physionomie