Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/15

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pais, ce n’était pas là ce qu’elle ambitionnait. « Je voudrais, me dit-elle, être reçue en audience privée, non pas sous mon vrai nom : Éva de Tiessant, la fille d’un écrivain catholique dont les œuvres ont fait quelque bruit, mais sous mon nom d’Éva Daltès, la comédienne. »

— Pauvre enfant ! gémit avec tendresse le sculpteur. Excusez-la !

— J’avoue que je restai un moment interdit, et elle s’en aperçut, car elle reprit aussitôt : « Oui, je sais bien que c’est insensé, mais que voulez-vous ? Je sais également que je suis perdue ! Or, si je quittais Rome après avoir été bénie, pardonnée comme je veux l’être, je m’en irais vers la mort sans désespoir, sans effroi, sans autre douleur que celle de laisser seul mon Gilbert bien-aimé. » Ce sont là textuellement ses paroles, dans leur exagération mystique, qui ne m’a pas plus surpris d’ailleurs qu’elle ne peut vous étonner.

— Oui, elle est bien là tout entière !

— Alors, comme je m’efforçais de la calmer, elle continua : « Ce n’est pas Mlle de Tiessant qui a failli ; elle n’a été, elle, que la victime de la fatalité et des méchants ; mais Éva Daltès, qui la forçait de vivre comme elle a vécu ? C’est donc Éva Daltès qui a besoin d’être pardonnée et bénie pour ne pas mourir damnée ! » Comme si elle n’avait pas expié depuis longtemps par la souffrance ce qu’elle nomme ses fautes !

— Et dire que l’unique reproche qu’elle ait à se faire est de m’avoir aimé !