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LA JOLIE GAZIÈRE

S**) et j’en suis fâché pour lui : mais Colette aime quelqu’un. — Ah ! ciel et qui est-ce ? — Votre frère. — Ah ! cela me rassure ! je craignais, je vous l’avoue, que ce ne fût un autre homme, qui m’intéresse encore plus ! — Moi ? — Vous-même, mon cher mari. — Hé bien, vous ne vous êtes pas absolument trompée. Colette m’aime malgré elle, et c’est à sa prière que je la donne à votre frère. — Mon frère est jeune ; il est sans état ; il peut s’en faire un, avec votre secours : Colette ne peut que nuire à son avancement, au lieu d’y aider. Donnons-la plutôt à votre ami ! — Mais votre frère adore Colette. Mon Dieu ! que faire ! Mon cher mari, je m’en rapporte à votre prudence : mais si mes vœux étaient remplis, ce serait M. D.-r.-n.-d, qui aurait mon amie ! Je vais tâcher de la déterminer : vous, consolez votre frère.

Ce parti pris, M. de S** parla de M. D.-r.-n.-d, à Colette : il lui fit envisager les avantages de cette alliance : elle ne se rendait pas, et préférait Théophile ; mais M. de S** lui ayant dit que Manon était absolument pour M. D.-r-n.-d, elle répliqua : Disposez de moi au gré de mon amie : je lui dois tout ; je veux tout lui donner ; qu’elle fasse ce qui lui plaira de sa Colette, qu’elle a si tendrement et si généreusement aimée : je suis à elle ; qu’elle me donne à qui elle voudra. M. de S** depuis qu’il avait avoué à sa femme les sentiments de Colette pour lui, voulait qu’elle entendit tous leurs entretiens : elle écoutait donc celui-ci. Elle entra comme son amie achevait de parler, et lui fit mille caresses. — Tu es un trésor (lui dit-elle) : je sais que tu aimes mon mari ; mais je n’en suis point jalouse ; tu es juste en l’aimant, et tes sentiments pour lui ne font qu’augmenter ceux qu’il m’inspire : c’est la vertu que tu aimes. Je me félicite d’avoir les mêmes sentiments en commun avec toi à son égard. Mais épouse son meilleur ami, qui m’a chargée de te demander pour lui. — C’est donc un point décidé (dit Colette) : il m’a demandée ? — Oui, ma bonne amie, et je t’ai promise. Quant à mon frère, je lui ferai entendre raison. Mais