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LES ÉPOUSES PAR QUARTIER

glissa par le petit escalier, où il se mit à portée de voir et d’entendre. Il entrevit sa femme et la suivante, qui conversaient ensemble : — Mon mari, mon mari ! (disait Amable) ; je ne croirai jamais que ce soit lui. — C’est donc votre laquais, qui lui est tout dévoué, qui vous épie tous les jours, et qui sans doute lui rend compte de toutes vos actions pour recevoir ses ordres. Peut-être est-ce ce misérable !… Ce que tu sais est-il prêt ! — Oui, Madame. — On assure qu’on l’a vu il y a huit jours dans le faubourg Saint-Denis ; mais qu’on n’a pu savoir où il entrait ? — Oui, madame, on l’a vu. — Voilà une étrange nouvelle ! — Il y a du micmac là-dessous : cet homme-là est ou, un espion pour les Anglais, ou un voleur, ou un frappeur de fausse monnaie, et vous êtes en conscience obligée de le dénoncer. — Allons, m’y voilà résolue. Dès qu’il sera de retour, tu avertiras l’exempt de venir la première nuit, vers les une heure du matin. — Oui, madame. — Tu veilleras jusqu’à cette heure-là, et tu l’introduiras, sans bruit, jusqu’à ma chambre, s’il est couché auprès de moi ! — Laissez-moi faire ! je voudrais déjà qu’il fût pris. — Voilà de jolies personnes (pensa M. Eustache Dubois) ! On me fait cocu : ensuite on me soupçonne de trois crimes capitaux, pour lesquels on me dénonce !… Misérable ! d’avoir épousé quatre femmes ! si j’échappe au sort que l’une me prépare, sans doute je tomberai dans les embûches de l’une des trois autres !…

Il quitta sur-le-champ cette demeure où il ne faisait pas bon pour lui, et il alla tout de suite au Trône, chez la jolie balancière, Annette Tarandin, qui découchait deux fois par semaine.

Il ne s’adressa pas au portier, comme la première fois : il se glissa par une entrée connue de lui seul, et telle qu’il en avait fait pratiquer à ses quatre demeures, afin de pouvoir s’évader en cas d’accident. Il alla par cette route jusqu’à son cabinet, d’où il passa dans sa chambre, et enfin sur l’escalier. Il vit arriver sa femme de ville. Elle était accompagnée d’un cava-